Un ami se surprenait récemment de la grande quantité de projets que je menais de front. Il y a peu, j’en aurais profité pour en rajouter. J’aurais sûrement répondu: « Ce n’est rien, j’ai bien plus de projets en tête qu’il me faut encore coucher sur papier ».
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Mais des échanges avec d’autres artistes lors d’un cours de gestion de carrière artistique m’ont permis de prendre conscience que tout artiste est ainsi, dans sa tête foisonnent mille idées desquelles il peut, hypothétiquement, tirer autant de projets.
Ce qui devrait plutôt nous distinguer, ce sont, justement, les projets que l’on réussit à mettre sur pied. Parce que la chose constitue un vrai défi. D’où l’idée de suivre un cours de gestion, d’ailleurs. Pour extirper un maximum de ce maelstrom inventif que contient notre crâne, il est nécessaire d’avoir de l’organisation et de bonnes méthodes. Nombre d’outils sont à développer. Je vous entretiendrai aujourd’hui sur l’art de prendre des notes.
Prendre des notes: un casse-tête
Qui dit mille idées, dit des millions de notes. Petits dessins, pensées, directives, précisions, mes poches en sont pleines, ma table de travail en est couverte, mes bibliothèques en regorgent tout comme les nombreuses boîtes qui dorment un peu partout dans la maison. Y mettre le nez pour en extraire quoi que ce soit demande davantage d’efforts, évidemment, que de simplement tirer de nouvelles idées de ma caboche. Donc à quoi bon tout ça?
Un projet sur lequel je travaille actuellement, AC : le jeu, aura profité de ce que je considère comme MA méthode optimale pour prendre des notes. Elle est mienne en ce qu’elle me convient parfaitement.
J’aurai essayé, en quelque 30 ans de pratique, bien des façons de noter mes idées. Il y a fort longtemps, je consacrais un grand cahier à chaque projet. Mais, vous serez sûrement d’accord avec moi, c’est rarement assis à notre table de travail, ou même dans le confort de notre maison que nous viennent les idées les plus importantes, dignes de démarrer ou de relancer un projet, par exemple. Elles se présentent plutôt à nous lorsqu’on vient de tout quitter, ou dans l’autobus, ou chez un ami, ou au resto, enfin là où on s’y attend moins. Qu’est-ce qui les fait surgir dans ces moments sans rapport direct avec le projet? Sûrement le détachement et le recul. Mes cahiers se sont donc avérés peu commodes parce que jamais à portée de main quand j’en avais besoin. Il y avait aussi le fait que, leurs feuilles étant liées les unes aux autres, il était difficile d’ajouter, soustraire ou transférer des notes.
Rapidement se sont imposés de petits papiers que je gardais dans mes poches et que je noircissais n’importe où, quand les idées venaient. Ils se sont empilés de façon anarchique – à un certain moment, on pouvait même qualifier le phénomène de raz-de-marée.
Pour endiguer le problème, j’ai ensuite décidé, pendant quelques années, de coucher idées et croquis dans des carnets de notes de format de poche. J’étais bien fier de cette trouvaille – il fallait y penser, des carnets de notes pour prendre des notes! Eh bien non, ça n’allait pas non plus. J’en ai maintenant une si grande quantité que je ne sais plus où est quoi. Il me faut repasser chaque page de chaque carnet pour trouver quelque chose. Ce faisant, d’ailleurs, je me suis rendu compte que j’ai souvent plusieurs fois les mêmes idées, que je trouve toujours géniales et nouvelles à chaque fois que je les ai. Mais ça, c’est un autre sujet. Cette méthode est donc, elle aussi, imparfaite.
Une solution: le trombone
Ce que je préconise, c’est un hybride entre tout ce que j’ai essayé, soient le cahier avec un sujet dédier, le carnet de notes et les petits papiers: je rassemble les petits papiers par thème pour en faire, grâce aux trombones, une sorte de carnet de notes aux feuilles amovibles. Vous me direz oh la la, la trouvaille! Mais attention, il s’agit d’une méthode très sérieuse que je songe à breveter*. Un peu de respect.
Avec et sans trombones. Appréciez la différence. L’ordre et le chaos, carrément.
Certains avanceront peut-être que n’importe quel système d’attache ferait l’affaire. Je ne crois pas. Ce sont des propos dégradants pour cette mince tige de métal repliée avec tant d’ingéniosité qui mérite plutôt notre admiration.
En si peu de matière se trouve exprimé de façon éloquente tout le génie inventif de l’homme. Sur cette frêle broche repose toute ma méthode de prise de notes. Grâce à elle, l’ordre et la sérénité. Sans elle, le chaos et le malin. Alors à genoux, impies. Prosternez-vous devant la mère de tous les outils au lieu de lui chercher vainement des substituts.
Je garde encore sur moi un carnet de notes, mais je reproduis la journée même dans mes feuillets les idées notées. Lorsque je n’ai pas ce carnet, je me sers d’un bout de papier que j’ajoute le soir venu au feuillet approprié. Et je date tout, depuis toujours d’ailleurs. Cette procédure me permet de m’y retrouver en moins de deux. Il y a tant de difficultés qui peuvent se présenter lors de la mise sur pied d’un projet. J’aime à penser que j’ai éliminé la plus grande, soit le chaos que génère, lorsque laissé à lui-même, mon esprit créateur.
Cette recherche un peu pénible et lente de la méthode qui me convient le mieux pour prendre des notes illustre bien à quel point des détails insignifiants en apparence peuvent en fait faire une immense différence. Et tout projet contient tant de détails!
Mais vous, comment prenez-vous vos notes?
*Après vérification au bureau des brevets, il semblerait qu’il m’est impossible de breveter des papiers retenus par des trombones, les premiers ne pouvant être brevetés et les seconds l’étant déjà.
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