Le syndrome de Frankenstein. La peur du surhumain, de toute création de l’homme conçue pour imiter l’homme. La peur que cette création n’échappe à son contrôle.
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Cette peur, les artistes l’affrontent. Ils font fi des craintes de leurs congénères, les narguant, comme on pouvait narguer, enfant, les monstres cachés sous le lit. Ils imaginent le pire et lui donnent forme.
Ils créent ainsi un homme nouveau qui, en vérité, appartient davantage au post-humain qu’au surhumain n’étant pas tant augmenté que sévèrement muté. Tout y passe. Rien ne semble assez monstrueux. En fait, c’est l’idée même du monstrueux qui est revue.
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C’est sûrement en voulant aller plus loin que d’autres osent carrément profaner le plus grand des sanctuaires, le réservoir de la vie: qu’il s’agisse de l’humain ou de l’animal, ils en réduisent au rang de matière première les restes funestes ou leurs équivalents.
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Une douloureuse métaphore qui, par le choc qu’elle provoque, éveille. C’est un avilissement certain de ce qu’il a toujours été convenu de laisser reposer. Par ce simple geste, par cette réutilisation, pourtant en vogue et encouragée lorsqu’il s’agit de matériaux moins nobles, les artistes recréent sans le faire. Ils ne jouent pas tant à Dieu qu’ils participent à son annihilation finale. Ils ne s’y substituent pas mais questionnent la portée des relents de son pouvoir, tant d’années après sa mort. Ils invitent à repenser la morale façonnée il y a longtemps, en vérité bien avant même l’invention de ce Dieu, morale qui nous veut respecter la mémoire du vivant dans sa dépouille.
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Si la nature de notre relation à la mort prend sa source dans la valeur que nous accordons à la vie, il faut certainement se demander pourquoi nous vouons davantage de respect aux morts qu’aux vivants. Les œuvres des profanateurs mettent ce fait en lumière; on retrouve aussi dans leur effort pour repenser le corps, de l’humour, de l’horreur, de la beauté et de l’ingéniosité, pour peu qu’on puisse se remettre du choc initial.
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Si ces artistes, comme c’est une habitude dans le milieu de l’art contemporain, ne proposent aucune idée de remplacement aux concepts qu’ils questionnent, ces autres se plaisent à imaginer les choses différemment : un futur fantastique ou un présent qui aurait pu être autre. Profitons de la plus grande conscience de notre réalité que nous permet ce jeu cruel pour choisir ce que sera le progrès.
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