Réflexions sur le thème de la
DÉFORMATION
Des déformations peu subtiles. Des déformations qui relèvent de l’extraordinaire. On dirait le corps qui crie. À tue-tête. Il hurle son état, inlassablement, comme une nécessité trop longtemps ignorée.
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L’Esprit sur le corps
Mais comment interpréter ses hurlements? Comment interpréter l’état de quelqu’un qui a trois jambes, ou deux têtes, ou le visage ouvert par une bouche trop grande? S’il est indubitable que pareilles transformations comportent une valeur métaphorique, elles ne disent rien sur ce qui aurait pu les provoquer, ou très peu. Pour les comprendre, nous serions trop souvent réduits à conjecturer. Les déformations dont il est question ajoutent certes de l’information, mais du fait qu’elle porte à interprétation, celle-ci sème la confusion.
D’ailleurs, les émotions ne se lisent-elles pas déjà sur le corps en temps normal? La détresse, la joie, l’inquiétude et autres, par des signes parfois certes subtiles, ne se traduisent-ils pas sur le visage, voire tout le corps? Il en va de même de l’attitude et de l’intention. Le corps parle déjà.
Les déformations souvent drastiques que j’inflige à mes personnages ajoutent, en ce qu’elles suggèrent davantage que ce qui les a provoquées. Tout comme en médecine le symptôme n’est pas toujours là où se trouve le mal, mes déformations, quoique fidèles à leur source profondément enfouie dans les entrailles des êtres qu’elles affligent, s’en nourrissent mais s’en distinguent.
Le Corps sur l’esprit
Mais est-ce tout? S’agit-il vraiment d’un mouvement simple et unidirectionnel de l’intérieur vers l’extérieur? Qu’en est-il du pouvoir du corps sur l’esprit? Et si ces monstres que je crée se trouvaient profondément marqués de par leurs particularités extraordinaires? Il y aurait alors un mouvement contraire, soit de l’extérieur vers l’intérieur. L’enveloppe charnelle transformerait cet intérieur, à son tour et même alors qu’il est transformé par lui.
Ces corps seraient donc en perpétuelle transformation, obéissant à des paramètres complexes, nombreux et mêmes souvent contraires, pouvant s’influencer eux-mêmes, à leur avantage ou à leur désavantage.
Leur quête d’équilibre en serait d’autant plus complexe et pourrait, dans des cas extrêmes, mener à des aberrations : par exemple, j’imagine aisément un de ces corps prenant sans arrêt de l’expansion ou, au contraire, diminuant jusqu’à disparaître.
En fait, comment qualifier d’aberrant quelque phénomène que ce soit concernant des êtres fantastiques? Même l’autodestruction me semble être une possibilité acceptable pour des créatures vouées à dénicher un peu de vrai parmi le tumulte des concepts régissant la vie contemporaine. J’aime voir ces êtres comme je vois souvent d’ailleurs tout individu normal : un algorithme complexe devant aboutir là où il aboutira.
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